Le bois bétonne ses projets – MAGAZINE #6

« Un compromis réussi avec d’autres matériaux permettra à nos constructeurs d’être efficaces et économiquement performants », déclare Dominique Weber, Président de FBIE.

Propos recueillis par Jocelyne Vidal – Article issu du Magazine Terrésens 6

Inscrit dans la transition écologique et l’innovation environnementale, le bois stocke le CO2 là où le béton en produit, ajouter les qualités isolantes du matériau végétal, il devient une priorité gouvernementale dans le secteur du bâtiment. Occasion pour Dominique Weber, Président de France Bois Industries Entreprises (FBIE), d’évoquer pour nous l’avenir de la construction en bois en France.

Qu’a donné l’Appel à Manifestation d’Intérêt lancé en 2016 par le Gouvernement, pour trouver des collectivités susceptibles d’accueillir des immeubles de grande hauteur en bois ?

« Porté par ADIV Bois, le plan Immeubles à Vivre Bois a donné lieu à un concours national lancé début 2017 par le PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture). Ce dernier a permis d’identifier 24 sites représentant douze régions métropolitaines françaises. Toutes ont posé leur candidature pour la construction d’immeubles de dix à quinze étages à base de bois, dont six devraient sortir de terre entre 2018 et 2019.

Lauréats du concours national PUCA, treize sites poursuivent aujourd’hui leurs projets distingués par le PUCA , notamment à Angers, à Grenoble pour l’immeuble «Des Alpes au Jardin» et au Havre, pour la Tour Signal Wood Up. Un concours régional a sélectionné par ailleurs, six autres sites emblématiques d’un nouvel « art de vivre le bois », avec les projets Casa Jenga, la Tour Commune et Wood Up à Paris, Ecopolis à Dijon, Pop Up à Saint-Etienne, Cartoucherie Wood’Art à Toulouse. Récompensés tant pour leur architecture extérieure que pour la qualité de leurs aménagements intérieurs, ces projets démontrent la pertinence d’un matériau naturel qui se prête à la modularité des espaces, via des plateaux réversibles, des cloisons évoluant en fonction des besoins des occupants d’un appartement. La souplesse du bois, ajoutée au confort visuel et tactile qu’il procure, l’inscrivent dans une logique qualitative. C’est le fil rouge du modèle économique construit par les acteurs de la Filière Bois pour s’imposer face à la concurrence du béton et de l’acier. »

Pourquoi la part du bois dans les matériaux de construction stagne-t-elle à 10% en France alors qu’elle est de 15% en Allemagne, 35% en Scandinavie ?

« Les essences de résineux, fortement représentées en Allemagne et en Scandinavie, sont les plus couramment employés dans le secteur de la construction. Or, il se trouve que la forêt française est composée de 70% de feuillus, c’est-à-dire de bois de chêne, hêtre et frêne destinés aux aménagements intérieurs.

Utilisés dans l’ameublement il y a cinquante ans, les feuillus ont été remplacés aujourd’hui, par les bois de particules reconstitués : 95% de nos meubles en sont issus. Dans le même temps, les grumes (troncs d’arbres coupés) de nos régions se sont exportées massivement vers l’Asie, notamment la Chine. Il est donc urgent de développer la transformation en France, des grumes de chênes et de hêtres pour y maintenir des emplois et répondre aux exigences du marché mondial de la construction en bois.

La croissance mondiale va de pair avec la montée de l’urbanisation. La forte demande d’immeubles de grande hauteur représente de belles opportunités de marché pour les acteurs de la filière bois : en développant leurs outils de transformation et de production, ils seront en mesure d’exporter leurs savoir-faire et un art de vivre des ambiances bois à la Française. »

Pourquoi importons-nous pour 6Mds€ de bois alors que les forêts françaises représentent 30% du territoire national ?

« Au cours des vingt dernières années, les outils de la filière bois ont été insuffisamment investis. Dans le même temps, l’industrie française est passée de 22% à 12% du PIB. La perte de compétitivité de l’emploi industriel fournit une troisième explication à cette situation paradoxale. N’oublions pas non plus que notre culture historique du béton et de l’acier, confortée par la présence en France, de champions internationaux du secteur, dessert également les industriels du bois.

Leurs activités se sont longtemps dispersées dans un parc de petites scieries alors que l’Allemagne et la Scandinavie développaient de grands groupes de transformation du bois, aux performances remarquées par les investisseurs. Le morcellement de la propriété forestière en France, éclatée en trois millions et demi de petits propriétaires, ne favorise pas non plus une vision globale de l’économie du bois. Mais les choses sont en train de changer. Les Pouvoirs Publics ont compris l’intérêt de recréer de l’industrie en France. La filière bois booste aujourd’hui ses formations et le développement de ses compétences pour susciter l’intérêt des investisseurs. Un virage réussi par le groupe familial Burger, leader français des produits en bois destinés à l’aménagement de la maison et du jardin. Sous le nom Booa, il a développé avec succès une gamme de 14 modèles de maisons contemporaines en bois, fabriquées de A à Z en Alsace, au rythme de dix par mois. Autre leader de la filière bois, la société Mathis s’est imposée sur le segment des bâtiments industriels, des bureaux, des équipements de sport et des surfaces commerciales. »

Comment définiriez-vous l’avenir de la construction en bois ?

« Il y a une vraie volonté de la filière de se prendre en main en fabriquant localement des produits consommés en France puis exportés. Un bel avenir lui est promis, si elle ne construit pas son marché frontalement, en opposition à ses concurrents. Mieux vaut convaincre les « bétonneux » d’utiliser de plus en plus de bois dans leurs projets. Un compromis réussi avec d’autres matériaux permettra à nos constructeurs d’être efficaces et économiquement performants. »

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