La vie de château médiévo – futuriste chez Serge Vieira – MAGAZINE #3
2 décembre 2016La vie de château médiévo – futuriste chez Serge Vieira
A mi-chemin de Clermont-Ferrand et Montpellier, la bâtisse moyenâgeuse de Couffour a fait peau neuve. Toit végétalisé et puits canadien ont fleuri sur les hauteurs de Chaudes-Aigues où règnent les brillantes symphonies culinaires de Serge Vieira. Lauréat du Bocuse d’Or 2005, l’ancien second de Régis Marcon a assorti l’épure du mobilier dessiné par ses soins, à l’esprit ultra contemporain de sa « cuisine plaisir. » Visite guidée…
Propos recueillis par Jocelyne Vidal – Article issu Magazine Terrésens 3- Editions Free Presse
Terrésens Magazine. Comment êtes-vous tombé sous le charme du Château du Couffour ?
Serge Vieira « Dès la fin de l’année 2005, avec mon épouse Marie – Aude, nous cherchions un établissement pour nous installer en France, à notre retour d’Australie où nous venions de passer un mois et demi car j’avais été engagé comme consultant par le Crown Casino de Melbourne. Une belle expérience, idéale pour apprendre à se vendre. Mais, Clermontois d’origine portugaise, je cherchais alors à m’implanter en Auvergne. Nous nous sommes donc rendus une première fois à Chaudes-Aigues en plein hiver, par temps de brouillard, on ne voyait pas à cinq mètres…Difficile de se prononcer dans ces conditions ! Puis en faisant un peu de moto dans la région, nous sommes revenus au printemps 2006 et là, ce fut le coup de foudre pour le site , sa vue extraordinaire. Ajoutez, pour conforter notre choix, la qualité du cadre de vie et de l’économie locale, la situation idéale à proximité de l’A89, de l’A75, de l’aéroport de Clermont qui nous permet de rallier Paris en 45minutes, la possibilité de rejoindre la Méditerranée en deux heures en empruntant une autoroute gratuite. »
T.M. Du Bocuse d’Or au Cantal, en passant par Melbourne, parlons des temps forts de votre parcours
« La rencontre de mon premier patron au restaurant de La Gravière à Chamalières a été déterminante. J’ai commencé à 16 ans comme apprenti chez Dominique Robert : de la pâtisserie aux légumes, des viandes aux poissons, il fallait toucher à tout. Les petites maisons où l’on va s’exercer à tout faire, c’est beaucoup plus motivant pour un apprenti, que de grands restaurants où l’on reste six mois au même poste. Ce fut une expérience enrichissante sur le plan professionnel mais aussi humain car Dominique Robert reste pour moi comme un deuxième père. Mais, qu’il s’agisse de Dominique ou de Régis Marcon, tous les chefs que j’ai rencontrés, ont joué pour moi un rôle important.
Fils d’ouvriers chez Michelin, j’ai beaucoup appris de ces chefs qui m’inspirent un grand respect. Mais je ne mettrai pas pour autant notre métier sur un piédestal : en tant que cuisiniers, nous sommes là avant tout, pour restaurer des gens, leur faire passer un bon moment, revenons sur terre !»
T.M. Comment avez-vous transposé dans votre établissement, votre goût de l’international ?
S.V. « Voyager, échanger avec des chefs de tous pays, voilà ce qui nous fait grandir. D’où le caractère international de notre brigade qui compte un canadien de Montréal, un Australien de Brisbane, une Japonaise de Tokyo, une autre de Nagasaki, un Portugais de Lisbonne, un Hongrois. Tous âgés de moins de trente ans, ils viennent avec leur bonne humeur, mais aussi les problèmes de leur pays. Ainsi, en écoutant un jeune portugais évoquer l’impossibilité de se loger dans son pays avec un salaire de 450€, les Français relativisent leurs propres problèmes, en portant un regard positif sur leurs conditions de vie. Le précieux apport des cultures d’ailleurs m’a particulièrement frappé en Australie, un Etat jeune, multiculturel qui a exercé de belles influences sur la gastronomie d’un pays où l’on peut aussi bien manger Indou, Thaïlandais et Chinois. Comme j’adore les voyages en général et l’Australie en particulier, je m’y rends régulièrement pour des actions de consulting, des semaines gastronomiques et des dîners privés où l’on me demande de cuisiner pour une quinzaine de personnes.
T.M. Comment se répartissent les rôles entre votre épouse Marie – Aude et vous ?
S.V. « Marie-Aude, c’est mon bras gauche et mon bras droit ! Rien n’aurait été possible sans elle. Diplômée de l’Ecole Hôtelière de Tours et sommelière conseil de talent, elle assure la gestion, le service, l’accueil des clients, l’organisation de la cave, j’ai en elle une confiance aveugle. »
T.M. N’était-ce pas la quadrature du cercle de conjuguer le futurisme au respect de l’environnement et d’un patrimoine médiéval ?
S.V. « Il faut remercier les architectes des Bâtiments de France qui nous ont autorisés à insérer de la modernité dans un château du XVIème siècle. Nous avions le projet d’investir une maison de caractère à l’extension contemporaine, un projet calqué sur notre image, celle de notre cuisine qualifiée de « classique contemporaine ». Le mix des deux nous va bien. Rien de rococo donc, dans ce château-hôtel qui se devait de sortir de l’ordinaire. Nous avions aussi à cœur de montrer qu’au fin fond du Cantal, comme disent certains, on sait innover.
Je ne suis pas écologiste dans l’âme mais, quitte à faire du neuf, autant que ce soit intelligent. Le toit végétalisé, le puits canadien pour rafraichir l’atmosphère, ont fait partie des exigences formulées auprès de l’architecte, à un moment où l’on parlait déjà beaucoup d’écologie, à juste titre : nous nous devons de préserver la planète à une époque où l’on nous tue à petits feux, sans que nous nous en rendions compte. Nous avons donc recours aux éclairages LED, nous veillons à la réduction des emballages, au remplacement des produits d’accueil des chambres par des distributeurs de savons et de gels douches bio. Enfin, tous nos produits viennent d’un rayon de 150 à 180 km, excepté bien sûr le poisson acheté en Normandie et en Bretagne. »
T.M. Quel est votre idéal culinaire ?
S.V. « Je m’attache à faire une cuisine plaisir. Ses vertus premières ? La gourmandise et l’esthétique, une dimension importante à l’heure où les gens disent, parfois à tort, « si c’est beau c’est bon ! »La fin d’année s ‘annonce donc conviviale et chaleureuse, dans une ambiance festive. Durant la première semaine de décembre, nous organiserons comme chaque année, des cours de cuisine où nous partageront avec nos clients, les petites astuces qui rendront plus facile la préparation de leurs repas de fêtes. »
T.M Parlez-nous de vos projets et du profil de votre clientèle
S.V. « Nous avons racheté l’hôtel situé au bas du village, pour en faire un modèle d’éco – construction avec une enveloppe de verre et de bois très performante. Outre ses 18 grandes chambres de 40m2, il comportera un petit bistrot de 50 à 60 couverts. Nous mettrons une voiture électrique à la disposition de nos clients désireux de se rendre du Château du Couffour au nouvel hôtel, situé à seulement 1,200 km.
Nous accueillons 15 à 20% de clientèle étrangère, venue surtout des Etats Unis, d’Angleterre, de Belgique, Suisse, Italie, Espagne, Singapour, Nouvelle Zélande et très peu de russes, nous ne sommes pas assez chers pour eux et cela nous va très bien ! »
T.M. Votre restaurant gastronomique propose-t-il un plat emblématique de Serge Vieira ?
S.V « Dès notre ouverture, nous avons tenu à ce que l’on ne puisse pas retrouver un plat emblématique de Serge Vieira, comme il en existe à la table de tant d’autres chefs. L’important pour nous c’est d’innover, de casser la routine en changeant les plats, les menus et même les amuse-bouches toutes les trois semaines. Les lentilles de la Planèze, les fromages du Cantal, la viande de bœuf de Salers et autres produits d’Auvergne sont les seules notes classiques d’une partition sans cesse renouvelée au fil d’un challenge permanent. Il faut réfléchir vite, cultiver la spontanéité d’une cuisine nourrie de mille influences avec, de temps en temps, un clin d’œil aux parfums d’enfance surgis des souvenirs de recettes de ma grand-mère portugaise. »
Serge Vieira Château du Couffour 15110 Chaudes-Aigues Tel. 04 71 20 73 85
Ouvert tous les jours sauf le mardi et le mercredi
www.sergevieira.com
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